La Galice est immédiatement tombée dans le camp franquiste et très vite, le Pays Basque, la Cantabrie, les Asturies ont été coupées de la zone républicaine. La répression s'y est déroulée sans aucune retenue: les cadavres des syndicalistes jonchaient les fossés de Galice, les asturiens se souvenaient déja de la répression du mouvement populaire de 1934 alors réprimé (déja) par Franco. En octobre 1937, l'étau se ressere sur les Asturies et la Cantabrie. Les franquistes soutenus par l'aviation italienne s'apprêtent à isoler les provinces républicaines du nord ou l'on se souvient fort bien de la répression du mouvement populaire de 1934 mené (déja) par Franco. De nombreux bateaux quittent l'Espagne dans des conditions effroyables et gagnent La Rochelle, Bayonne, Bordeaux et la côte bretonne.
LES BATEAUX DE L’EXIL EN FINISTERRE:
De juillet 1936 à la fin 1938, seize sorties clandestines à destination des ports français eurent lieu. Certaines se solderont par un échec mais dans la plupart des cas les fugitifs, responsables syndicaux ou politiques de gauche, parviendront à bon port non sans difficultés.
Le 16 aout, le Novo Emden (voir ci-après) arrive à Concarneau avec 17 hommes.
Le 23 septembre, un voilier de La Corogne acheté par les fugitifs touche Brest.
Le 3 juin 1937, le bateau "Constante F. Veiga" est arraisonné en baie de La Corogne par trois militants républicains poursuivis par les fascistes. Ils sont aidés par l'équipage et mettent le cap sur la Bretagne. Ils arrivent à Brest le 5 ou le 6 juin comme le relate cet article de la Dépêche de Brest. Les exilés étaient José Maria Rodriguez Eiras "Cotexo", chauffeur, militant anarco-syndicaliste du syndicat des Pêcheurs de La Corogne, José Garcia Garcia "Pepin", militant des Jeunesses socialistes et Francisco Javier Caridad Pita, militant communiste. Parmi l'équipage figurait Antonio Barreiro Pérez également du syndicat des pêcheurs (CNT).
En août 1937, un bateau parvient à Brest avec 30 personnes dont 4 enfants à bord.
Le 29 aout, un épisode quelque peu rocambolesque se produit dans le port de Malpica: trois sardiniers qui n’avaient jamais dépassé la côte de huit miles, le Rocío, le Ciudad de Montevideo y le San Adrián quittent le port au moment des fêtes de la ville, trompant la vigilance des gardes franquistes pour rejoindre la France.
Le San Adrian arrive à Audierne après 56 heures de mer. Après une traversée de trois jours sans radio ni radar, sans eau ni vivres. Benigno Novo Alfeirán, l’un des fugitifs, rapporte que : « le voyage ne fut pas facile. Le bateau avait un moteur de 20 CV. Nous étions 26 hommes à bord, sans nourriture. Poursuivis par la marine franquiste, nous naviguions au compas. Parvenus à hauteur de Brest, une tempête nous a poussés sur Audierne où la gendarmerie française nous attendait. Nous ne pumes sortir du port. Ils nous donnèrent des vêtements pour nous changer et un peu de nourriture mais nous obligèrent à quitter rapidement la France. Nous partimes tous pour Barcelone en zone républicaine ». Plusieurs d’entre eux combattirent sur le front d’Aragona avant de se retrouver à nouveau en France lors de la Retirada. Trois furent déporté à Auschwitz. Douze survécurent et purent gagner le Chili à bord du Winnipeg, le bateau affrété par Pablo Neruda.
Le 31 aout, le Rocio, arrive à Brest après trois jours de mer avec 29 hommes à bord qui rejoignent également les rangs républicains.
Le 7 septembre, le thonier Chicha 2 de Vigo arrive à Brest après quatre jours de traversée. Les 12 fugitifs originaires de Pobra do Caramiñal passent aussi dans le camp républicain.
Le 19 septembre, un autre thonier, le Rafael del Palacio, de Vigo, prend la mer pour Newlyn en Cornouaille britannique. Arrivés à Brest, les 15 hommes partent immédiatement à Barcelone.
Le 2 octobre, un autre thonier, le Nuevo Celta de Vigo et ses treize hommes parvient à Brest.
Trois autres bateaux parviendront à Brest au cours de l'automne 1937: le Rita Esperanza, le Lourdes et le Ramon Correo.
Les derniers bateaux à arriver à Brest seront le Magdalena Vinaches et le Soledad Yáñez de Vigo en 1938.
En 1939, le 25 mai (la guerre est alors officiellement terminée), onze hommes s’emparent de deux navires de Ferrol le Teresita et le Carmiña et rejoignent Brest.
L'odyssée du NOVO EMDEN, petit bateau de pêche de O'Grove (province de Pontevedra) est on ne peut plus extraordinaire. Il est arrivé à Concarneau le 17 août 1937 avec 18 hommes à bord dont le mousse âgé de 14 ans. A Concarneau, ils ont retrouvé la centaine de réfugiés déja sur place. Ils sont aidés par la municipalité et le maire communiste Pierre Guéguin (qui sera fusillé à Nantes par les nazis le 22 octobre 1941). Mais l'objectif du gouvernement français est de refouler rapidement les demandeurs d'asile. Deux mois après, 16 hommes ont ordre de quitter Concarneau et repartent en espagne combattre sous le drapeau républicain. Restent le patron Juan Aguino et le mousse qui demeureront dans la ville jusqu'en 1948 date à laquelle ils pourront mettre le cap sur les Caraibes, Vénézuela, Nicaragua, Cuba où ils fondèrent une pêcherie qui sera ensuite nationalisée. Juan Aguino a pu retourner dans son village de O'Grove où il mourru en 1968. Quant au mousse, âgé de 86 ans, il vit aux Etats-Unis.
Le Novo Emden L'équipage Tournage du film à Concarneau.
C'est cette épopée que deux journalistes de la télévision galicienne Marcos Gallego et Comba Campoy ont voulu relater. Ils se sont rendus à Concarneau en 2006 et avec le soutien de la Ville ont pu rencontrer des témoins: les frères Charles et Gaby Allot, Jean-Claude Guillou et ont réalisé le film qui porte le nom du bateau: NOVO EMDEN.
LES BATEAUX EN MORBIHAN:
A bord d'embarcations surchargées et inadaptées au transport de personnes, sans vivres, dans le plus grand dénuement, près de 1800 basques, cantabres et asturiens trouvent refuge dans le Morbihan.
Le premier bateau a atteindre les côtes bretonnes est le Maria-Elena qui, après 54 heures de mer, atteint Groix le 10 octobre. A bord, neuf jeunes gens qui craignaient d'être enrolé dans les troupes franquistes. Ils sont bien accuiellis par la population; le journal Ouest-Eclair écrit :" A Groix, les bons iliens offrirent aux espagnols une généreuse hospitalité, leur donnant pain, vivres et boissons sur lesquels ils se jetèrent comme des loups tellement ils étaient affamés". (10.10.1937). Moins délicat, le Nouvelliste relate de son côté " l'arrivée à Groix de neuf espagnols transfuges dont on ignore à peu près tout sauf qu'ils en avaient assez de se battre. Ces héros à la manque ont été dirigés vers la frontière en même temps qu'une centaine de réfugiés qui restaient encore à Port Louis" et de dénoncer " tous les voyous qui viennent abuser de notre hospitalité. On en arrive à se demander si l'on est toujours en France, pays du bon sens et de la mesure !".
Le 16 octobre, un navire portuaire d'Aviles, le Somo, arrive à Lorient avec 50 passagers dont de nombreux responsables de l'administration républicaine, le maire de Gijon, des magistrats .... Les passagers sont hébergés à l'hopital Bodélio et dans différents hôtels de la ville.
Le 22octobre, les franquistes entre à Gijon.
Le 23, un chalutier, le Palacio Valdes arrive à Lorient avec 27 personnes. Un autre chalutier, le Rosa Maria, parvient à Penmarc'h avec 45 personnes, trois autres arrivent sur l'ile d'Yeu avec 600 réfugiés.
Le 25 octobre, un dernier chalutier, le Tonin (Photo), gagne Lorient avec 197 passagers après avoir échappé au croiseur franquiste Cerbera.
Le 18 mars 1938 après être passé par Saint-Nazaire, un bateau de pêche de La Corogne arborant le drapeau républicain, le Isabel Angelita, parvient à Belle-Ile avec 17 personnes à bord.
D'autres bateaux toucheront nos côtes:
* A Belle Ile: le Sarigo et le "581" (200 passagers),
* A Quiberon, le Mar de Medio (200 passagers),
* A Quimper, le Hermania (26 passagers),
* A Dournenez, La Mensajera et le Abascal (respectivement 78 et 66 passagers),
Le nombre total des réfugiés de la mer en Morbihan a atteint environ 1.800 personnes auxquelles s'ajoutent celles qui ont accosté à l'ile d'Yeu, Bordeaux, La Rochelle, Saint Jean de Luz ...
Le site www.asturiasrepublicanas.com donne (en espagnol) une relation détaillée de ces traversées et du bon accueil fait par les bretons à commencer par les pêcheurs et marins qui, comme Mr Le Nezet de Riantec, ont conduits ces navires à bon port. Car ceux-là étaient arrivés en France. Ce n'était pas le cas de tous car la marine franquiste bloquait l'issue par la mer: beaucoup de bateaux ont été arraisonnée et reconduits au port où bien envoyés par le fond.
Nous avons publié dans Ouest-France du 29 octobre 2007 le témoignage de Maria del Carmen:
Maria avait sept ans quand elle a quitté sa terre natale pour la France. A 77 ans, elle garde le souvenir de la grande plage de Gijon où elle jouait avec sa soeur et ses frères. "Un jour, un avion est passé très bas au dessus de nous. J'ai pris conscience que plus rien ne serait jamais comme avant. Un soir, on a tenté de s'échapper par la mer en embarquant sur un cargo. Mais un navire qui surveillait la côte nous a repérés. Retour à la case départ". Ce sera alors le départ pour Barcelone au milieu des ruines, des ponts détruits, le froid, l'angoisse. " Un soir, une mère donnait le sein à son bébé quand le bruit terrible des bombardements a fait exploser les vitres de notre dortoir improvisé. L'enfant lui est tombé des bras. Il n'a pas survécu". Puis ce fut la Retirada, Bordeaux, Angoulême. "On vivait dans des baraquements insalubres. j'y ai attrapé la gale. Un jour, mon père a entendu dire que les allemands allaient venir pour nous emmener très loin". A Dachau, Mauthausen. La famille s'évade et s'installe à Cognac où malgré les difficultés, Maria se marie, fonde à son tour une famille. Si elle est française, elle demeure espagnole de sang et de coeur
Les autorités préfectorales ont été débordées par cet afflux; si tout a été fait pour les secourir, la politique officielle consistait à renvoyer rapidement les réfugiés en Espagne. Les boat peoples seront rapidement reconduits à la frontière. Le 12 octobre, une centaine de réfugiés de Port Louis, les cinquante trois de Vannes et les neuf du Maria Elena prennent le train pour Hendaye ou pour la Catalogne. Signalons encore une fois la délicatesse du Nouvelliste " les neuf hommes, jeunes, que nous avions nourris, hébergé depuis vendredi, firent le salut du poing devant nos compatrotes lorientais" (13.10.1937). Ouest-Eclair, aux jugements parfois ambigus, reprend cette idée: "Les marins espagnols qui se rendaient à terre pour faire des vivres ont cru bon de lever le poing au passage d'une vedette française". (19.10.1937.). Le sous-préfet de Lorient, Mr Bousquet note quant à lui: "Je viens de recevoir une délégation de rapatriés espagnols qui m'ont prié de remercier le gouvernement français de toutes les attentions qui leurs ont été prodiguées".
Le 24 octobre, un autre convoi reconduits les derniers réfugiés. Ouest-Eclair note " toute la journée, ls espagnols dans une tenue des plus hétéroclites se promenèrent en ville ... Dans leurs voitures (à la gare), les hommes chantaient en langue espagnole la Marseillaise et l'Internationale.". Le Nouvelliste peut respirer: "Les services de la Police spéciale, les Douanes, la gendarmerie ont été sur le qui-vive et sur les dents. Vont-ils enfin connaitre la détente ? Oui semble-t-il car l'importation (sic) s'arrête et l'exportation (re-sic) va rondement".
L'odyssée bretonne des boats peoples asturiens n'aura duré qu'une quinzaine de jours. Il ne s'en faudra que de quelques mois pour que la tragédie se répète. En plus dramatique.
LES BATEAUX EN LOIRE-INFERIEURE:
A Saint-Nazaire, le Santa Teresa, le Feliciano Fiejo et le Bayona (524 passagers au total).
Le 23 juillet 1936 un thonier de Cariño, l’Arkale arrive à Saint Nazaire avec 2,5 tonnes de poissons qui seront offerts à l’hopital de la ville et au comité de grève et au Secours Rouge qui organisaient des soupes populaires.
Les pêcheurs tentèrent non sans difficultés de rejoindre l’Espagne républicaine. Avant leur départ pour Hendaye -où ils devaient intégrer les milices basques-, un meeting de solidarité rassembla le 31 juillet au Théatre de l’Athéné des responsables du parti socialiste SFIO et du PSOE. 300 francs furent collectés pour soutenir les antifascistes galiciens.
Le 11 aout dans un appel, l’union locale des syndicats de Nantes manifeste son « admiration pour les camarades espagnols » et appelle à soutenir « soutenir effectivement les vaillants combattants espagnols ». Elle verse 1000 francs et fait circuler des listes de souscriptions ce qui n’est pas du gout de la préfecture qui souligne dans un rapport que la CGT voulait également recueillir des orphelins.
Nous remercions Dionisios Pereira González, professeur, historien, auteur de l'ouvrage "Loita de clases e represión franquista no mar 1936-1939" pour ses recherches et travaux sur cette période.
L'évasion des miltants galiciens a inspiré cette gravure à Daniel Alfonso Castelao, auteur, outre son étude sur le patrimoine religieux breton, de trois albums: Galicia Martyr, Milicianos et Atila en Galicia. Les oeuvres de Castelao sont conservées au musée de Pontevedra.